Note préliminaire : cet article est en construction. Tous les signifiés sont plausibles mais pas tous nécessairement atteints consciemment et/ou immédiatement. Certains peuvent apparaître plus tard dans la vie courante, par un jeu d’association qui peut être purement visuelle -potentiel renforcé par la réitération massive du visuel- ou plus nettement sémantique. Démonstration en fin d’étude.
Sur Linkedin, l’Andra a posté à de nombreuses reprises un post contenant le visuel d’accroche ci-dessous :
d ébouchant par clic sur le visuel complet :
On note que le slogan n’est complet que dans l’accroche : l’Andra s’y révèle d’emblée soucieuse de s’identifier sans équivoque.
Résumé
Le support visuel est numérique (page web).
De nombreux signes, notamment la prédominance des ovales et une lumière plutôt tamisée, produisent des signifiés porteurs de { protection, sécurité, tranquillité, loisir }. Le personnage féminin, enfant ou très jeune adulte, cible une jeunesse « à naître » qui affiche sa { joie } de vivre par sa danse. Le décor intérieur très lisse suggére la { perfection } et représente un { futur }, où par contraste la nature est laissée à son état brut, mais sous { contrôle }.
Quelques signes perturbent l’ensemble. Peut-être le plus prégnant est que cette chambre en forme de { bulle } protectrice -forme de l’oeuf, rappelée aussi à l’extérieur- est vue de l’intérieur et qu’elle n’a pas d’issue visible. Le personnage féminin se trouve implicitement enfermé et induit chez le lecteur une idée de { claustration }. De plus, le terme « bulle » appelé par les graphismes, le cerveau est à même de produire l’expression « enfant-bulle » qui revêt des signifiés très négatifs de { fragilité, maladie, insécurité }. Si cet intérieur est spacieux, sa limite peut justifier que cette jeune fille semble aussi frapper la vitre de ses poings. L’extérieur brumeux participe aussi d’une sensation d’ { étouffement }.
Entre le texte et l’image, l’Andra n’ouvre à aucun débat : la sémantique globale dégagée affiche essentiellement de la { fermeture }. Le lecteur adulte peut considérer confortablement que l’Andra assume la pleine responsabilité de la question des déchets nucléaires, et la jeunesse est invitée à s’occuper de ses loisirs en toute quiétude. L’absence de débat et le transfert de responsabilité est-il réellement la tendance sociétale du moment, telle est la question.
Signes plastiques
Couleurs : désaturées, dominante rose/mauve : { fraîcheur, douceur, laisser-aller, sagesse } mais aussi { fragilité }, et trois petits éléments plus saturés au mur gauche (rose, cyan, jaune) absents de l’accroche.
Graphismes : l’ovale est nettement prédominante (pièce entière, enceintes -d’ailleurs inutiles car écoute au casque-, tapis, lit,,luminaire, ballon, fenêtre, bâtiments du paysage) avec des signifiés de { sécurité, enveloppe, protection }. Néanmoins le personnage se trouve à l’intérieur d’une bulle qui n’a pas d’issue visible (infra : iconiques).
Pointes : l’exercice du paradigme révèle que les immeubles verticaux érigés par rapport à la plaine boisée sont majoritairement pointus en haut au lieu d’être plats. Concession à la { modernité } qui induit une légère impression phallique dénotant a minima le { contrôle } de la nature. Ces verticales pointues sont { piquantes }, sensorialité diminuée par la distance et la perspective atmosphérique (infra : perspective). Leur dimension relative reste aussi insuffisante pour leur accorder un signifié d’ordre spirituel.
Contraste : moyen, dégradé du bas (gris) vers le haut de l’image (clair extérieur). Contraste et désaturation donnent une perspective atmosphérique au décor extérieur indiquant la distance. Si ce contraste moyen ne procure pas de plaisir visuel (dont on rappelle qu’il a une composante physiologique par le biais de la dopamine), il satisfait à la { douceur, quiétude }. Le soleil qui semble régner à l’extérieur ne projette pas de rai à l’intérieur, donc pas de ligne ascendante (de gauche à droite).
Lumière : voulue essentiellement naturelle par le paysage extérieur, dans une modalité qui illumine en { douceur } l’intérieur de la chambre.
Perspective : elle montre le reste du monde dans lequel vit le personnage : des bois percés ça et là d’immeubles. Elle induit, surtout du fait du parcours oculaire, une légère ascendance graphique (de bas à gauche vers haut à droite) entre autres due à la position du soleil, convenant à l’idée d’un { futur } lumineux et donc { positif }.
Texture : visuel faiblement texturé, l’intérieur globalement lisse suggére la { perfection }, en contraste léger avec les feuillages extérieurs illustrant la { nature } laissée à l’état { brut }.
Composition : équilibrée plutôt centrale :{ sérénité }, le personnage constitue l’accroche quelque soit le visuel, par tropisme du cerveau vers le ou les personnages présentés.
Eclairage : quelques éclairages artificiels issus des luminaires dénotent le { futur }, comme celui du lit.
Angle : vue ‘grand-angle’1 : { espace }, prise de face de façon posée et naturelle, à l’horizontale.
Cadrage : large : { espace, respiration }
Hors-champ : il n’y en a pas (contrairement au visuel du marché aux robots, où il est d’ailleurs dénué de signifiés, la jeune fille regarde inexpliquablement en l’air au lieu de ce qui lui est présenté)
Index : on peut voir dans le tapis au premier plan un index double vers la fenêtre et l’extérieur ou vers le lit, ce dernier décidément bien mis en valeur.
Signes iconiques
Personnage féminin : le visage de profil arrière ne permet pas de déterminer son âge, entre petite fille et jeune femme2. Cette image s’adresse à plusieurs tranches d’âge mais dénote une cible jeune, en cohésion avec la posture de danse { joie, loisir, oisiveté, liberté }, le ballon de { jeu }, et un petit désordre au sol bien circonscrit. Scène assez intime, de légère attirance pour un lecteur masculin, qui relate aussi une certaine { solitude }.
– La brillance des vêtements et chaussures confère un aspect { artificiel } voire plastique, en accord très tangent avec une tendance sociétale au dénigrement de ce matériau (pollutions microplastiques, déchets, …).
– La chambre a une grande fenêtre ronde sans ouverture visible : c’est un lieu fermé, et le personnage se trouve donc dans une bulle induite par sa forme circulaire et les multiples graphismes ovales. Si vu de l’extérieur cet univers oval est métaphorique3 de la protection, personne ne s’imagine spontanément à l’intérieur d’une bulle ou d’un œuf. Cette situation débouche sur un signifié de { fermeture, claustration }. Elle peut appeler l’image de l’«enfant bulle »4 (immunodépression) avec une sémantique négative de { fragilité, captivité }, qui contrarie la liberté corporelle exprimée par la danse. Cette pièce devient « sans issue », mention dissuasive standard qui pourrait être in fine allusive du non-retraitement des déchets « ultimes ».
– Le personnage est légèrement distant de la fenêtre, néanmoins torse, bras et avant-bras semblent vouloir taper des poings sur la vitre de la fenêtre, { colère } potentielle malencontreusement cohérente avec l’{ enfermement } déjà décrit du lieu.
– Plusieurs éléments sont flottants : le lit, lieu du sommeil est « volant » et devient référent du { rêve } ; également l’objet long de fonction indéfinie à droite devant le ballon. Ils artificialisent la scène pour associer une certaine { légèreté }au { futur }.
– Paysage : en surplomb, boisé sans la domestication d’un jardin. Il n’y a pas de nature visiblement accessible, et aucun personnage dehors : ce décor extérieur est vide de vie5. Le ciel n’est bleu que très pâle et partiellement. Ce manque d’air pur imprime au lecteur une sensation d’{ étouffement }, et cette brume est possiblement référente de cette { pollution morbide } des grandes villes régulièrement dénoncée dans les media.
Syntagme
Texte : En rapport avec le personnage, le texte d’ancrage interpelle les jeunes « à naître » au travers d’un paradoxe qui (se) joue du { temps }, raison d’être même de l’Andra, qui peut faire référence aux caractéristiques de vie moyenne et longue des déchets nucléaires, objet du visuel et éternel sujet de débats. En version longue, ce texte est un relais pour évoquer la mission de l’Andra.
En creux, les messages texte et visuel semblent désengager le lecteur adulte, non concerné ou n’ayant pas son mot à dire. L’Andra ne pose pas de question et ne cherche pas à convaincre : elle exclut le lecteur de tout débat, renvoie le jeune lecteur ciblé à ses loisirs : « ne vous inquiétez pas, nous gérons ! » que l’on peut traduire par le célèbre « circulez, y a rien à voir ». Dès lors le signifié de { contrôle } peut se lier à l’ {asphyxie } et donner une teinte assez différente au visuel.
J’ai publié la présente étude le 30 novembre 2023, date de fin de campagne de l’Andra sur Linkedin. Par le jeu de la vie courante, je visionne hier soir 13 décembre soit 2 semaines plus tard un western où joue l’acteur Ed Harris. Il me revient alors à l’esprit son rôle dans « The Truman Show », rôle déterminant puisqu’il contrôle intégralement toute une vie artificielle reconstituée dans … une bulle … dans laquelle vit sans le savoir Jim Carrey depuis sa naissance. Mon cerveau fait immédiatement le parallèle : derrière ou au-dessus de la bulle dans laquelle l’Andra fait évoluer ses personnages, n’y a-t-il pas une autorité de contrôle absolu et invisible ? Allons nous tous devenir des Jim Carrey ? Est-ce ce que nous annonce l’Andra ?
Voilà bouclée la démonstration que le cerveau est capable d’associations différées dans le temps. Ne considérer un visuel que sur ses signifiés immédiats est illusoire.
Le visuel d’accroche a été posté de très nombreuses fois sur Linkedin, réseau professionnel bien plus fréquenté par les adultes que les ados. Ces itérations renforcent la mémorisation, et il n’est pas certain qu’un tel message s’accorde avec des adultes marquant une certaine défiance envers les institutions.
Modes de perception : abstrait (liberté, sérénité, espace, futur, loisir, oisiveté), sensoriel (douceur, protection, claustration, étouffement), affectif (petite fille), thymique (bonne humeur, jeune fille), émotionnel (joie, danse de jeune femme, colère). Cette large palette de modes de perception semble découler de l’attribution de l’âge du personnage féminin par le lecteur.
Style : entre expressif (effets sensoriels) et phantasmatique (futur, rêve), cohérent avec l’objet du visuel, moins explicatif qu’évocateur.
1déformation des graphismes de l’enceinte gauche et du ballon à droite
2Le second visuel proposé l’Andra, le « marché aux robots », met aussi en scène un personnage féminin.
3J’attribue à ces signifiés métaphoriques la priorité sur les signifiés d’ordre symbolique, ici { unité, germe, vie, trésor }.
4Enfants dépourvus de système immunitaire obligés de rester dans une bulle stérile.
5Problème évité dans le second du « marché aux robots », où le personnage est néanmoins une fois de plus présenté dans une bulle..
OK boomer, le personnage a des cheveux long donc c’est une fille ???
Analyse certes intéressante, mais très vingtième siècle. Peut-être serait-il utile de la soumettre à notre jeune génération.
Suis pas certain que le 21ième siècle change beaucoup ce qui ne concerne pas le sexe du personnage, d’ailleurs je n’en tire aucun signifié particulier.
Mais je suis toujours à l’affût de remarques constructives.
Ce que je vois, c’est que les enceintes font la gueule et n’ont pas l’air convaincues. Elles ont des têtes de personnages ou c’est moi ?
Le casque sur les oreilles, ça ne projette pas dans le futur, mais ça explique pourquoi la jeunette danse 😉
Oui il y a un peu d’anthropomorphisme dans le dessin.
Elle danse dans sa chambre et doit mettre un casque ? C’est dommage.